Il y a douze ans, encouragé par ses conversations avec le dalaï-lama, Richard Davidson s’est lancé dans l’étude de la compassion chez les méditants tibétains expérimentés. Ce pionnier des neurosciences contemplatives rapporte l’étonnement qui l’a saisi à l’analyse des premiers résultats, obtenus en procédant à des électroencéphalogrammes et à des IRM de moines pratiquant une méditation tibétaine sur la compassion (état de pure compassion ou compassion non référentielle) : « Jamais des ondes gamma d’une telle amplitude n’avaient été rapportées dans la littérature scientifique », écrit-il dans son livre The Emotional Life of the Brain. Chez les moines, ces ondes furent enregistrées sur des durées également bien supérieures à la normale.

 

Cela signifie que dans leur cerveau, la méditation sur la compassion était associée à un véritable feu d’artifice, avec des paquets de neurones envoyant des signaux aux autres à un rythme très élevé, en synchronie, depuis différentes zones du cerveau. Les ondes gamma sont des ondes cérébrales de haute fréquence associées aux activités complexes de la conscience telles que l’attention et la perception. Elles jouent un rôle clé dans la communication entre régions cérébrales. Autrement dit, pour nettoyer « les portes de la perception » chères à William Blake, on peut commencer par s’offrir une bonne bouffée d’ondes gamma.

 

Davidson conclut d’ailleurs que le fonctionnement cérébral particulier des moines participant aux recherches pouvait correspondre à l’expérience que les pratiquants bouddhistes eux-mêmes rapportent durant leur pratique de la méditation : « Un changement de l’attention d’un moment à l’autre, amenant avec lui une clarté de perception de plus en plus large. Comme si se levait un brouillard mental, qui auparavant diminuait votre perception sans que vous vous en rendiez compte », écrit Davidson.

 

Autre effet remarquable, la modification des émotions. Lors de la méditation sur la compassion, on observa chez les moines une activation de la zone du cortex préfrontal gauche, siège des émotions positives, dans des proportions tout à fait remarquables. Selon Richard Davidson, la méditation sur la compassion est une pratique par laquelle nous pouvons transformer notre cerveau, en activant de nouvelles connexions, sources d’émotions positives et d’une attention plus aiguë à soi-même, à l’autre et à l’environnement.