Oubliez ce que vous pensiez savoir. Que les choses soient claires : la compassion n’est pas la pitié, qui peut vite se teinter de sentimentalisme ou de condescendance. Elle n’est pas non plus l’apanage des religions – les croyances n’ont rien à voir là-dedans. Elle ne doit pas être un devoir ni une morale, mais un changement radical de conscience. La cultiver ne métamorphose pas en Bisounours docile, mais permet au contraire d’acquérir une force nouvelle. « Ce n’est pas seulement la capacité à diagnostiquer la souffrance, mais celle de la soulager », estime le psychiatre Olivier Chambon. Dans une interdépendance bien comprise – on est tous concernés, on a tous à y gagner. 

 

Ayez confiance. Parfois, nous nous privons d’échanges riches juste par peur : de nous dévoiler, de nous montrer sensibles, de perdre la maîtrise, de nous embarquer sur un chemin inconnu, de ses répercussions…« Oui, il y a un risque à s’ouvrir à la compassion… Mais plus nous nous enterrons dans son terrier, plus nous étouffons », remarque le philosophe Fabrice Midal. Face aux chimères de l’individualisme, soyons sûrs que nous y trouverons notre compte, qu’il y aura de beaux moments à la clé, que le sentiment de vivre pleinement s’en trouvera décuplé.

 

Affichez la règle d’or Traite les autres comme tu aimerais qu’on te traite comme d’autres affichent leur régime amincissant : sur le frigo, la porte d’entrée, en écran de veille ou en porte-clefs... Ou répétez-la mentalement au réveil et au coucher. Plantée dans un coin de la tête, cette petite graine finira par germer.

 

Ne vous mettez pas la pression.Personne ne devient un champion de l’amour impartial et universel du jour au lendemain ! La transformation est progressive, subtile. Il ne s’agit pas de devenir un Saint et de sauver seul la planète ; juste d’y contribuer. Si vous aimez faire la fête, continuez. Mais pas à pas, avec application et ténacité, vous allez commencer à voir le monde sous un éclairage différent.

 

Cherchez l’inspiration. Gandhi, Jésus, Bouddha, Mahomet, Mandela, peu importe. Quelles que soient les cultures, depuis des millénaires, l’histoire est la même : celle d’un être qui, face à l’expérience de la souffrance et du rejet, prend du recul, fait le choix de l’altruisme, et s’engage pour la justesse de sa cause.

 

Revisitez vos peines. Nier sa douleur n’est pas toujours positif. « La souffrance vécue dans nos vies peut nous aider à comprendre combien le malheur d’autrui est profond », dit Karen Armstrong. Prenons Gandhi : c’est sa propre expérience du racisme qui l’a amené à s’engager. Replongeons dans les moments qui nous ont peiné : la mort d'un être cher ; une remarque blessante ; des périodes de solitude, des rejets, des échecs… « Le but n’est pas de se complaire dans l’auto-apitoiement, mais de s’envoyer à soi-même un message d’encouragement et de solidarité. » A l’inverse, pensons à ceux qui nous ont encouragés ou donné notre chance : au boulot, à l’école... Chaque mot, chaque geste compte, pour nous comme pour les autres.

 

Cultivez votre jardin. Impossible d’aider vraiment quand on est soi-même en vrac. « La contagion émotionnelle peut anéantir », avertit le psychiatre Serge Tisseron. Mieux vaut donc d’abord chercher à être bien dans sa peau, suffisamment serein et ancré. Peinture, danse, chant, yoga, méditation… Frottez-vous à une activité qui fait de la place à autre chose que les pensées ordinaires, booste le sentiment de bien-être et de sécurité, puis ouvre à une conscience plus vaste de soi et du monde – sans exclure les côtés sombres. « Souvent, nous attaquons autrui précisément pour les caractéristiques que nous aimons le moins en nous, remarque Karen Armstrong. Si nous nous traitons avec dureté, nous allons probablement traiter les autres de la même façon. Nous avons donc besoin d'acquérir une connaissance plus saine et plus équilibrée de nos forces comme de nos faiblesses », de nos défaillances comme de nos succès. Mettez-les noir sur blanc, si ça peut vous aider.

 

Développez votre attention. Le mental est un petit singe qui saute d’une idée à l’autre. « Pendant une minute, nous ruminons sur l'inefficacité d'un collègue ; l'instant d'après, nous rêvons à nos vacances d'été ! » note Karen Armstrong. Sans devenir « maladivement scrutateurs » de nous-mêmes, observons combien ces réactions sont souvent biaisées et passagères. Et comme elles peuvent vite blesser – quand nous levons les yeux au ciel face à une remarque que nous jugeons idiote, par exemple. Voyons aussi comme c’est pénible quand quelqu'un se comporte ainsi envers nous,« et comme un geste gentil et inattendu peut illuminer notre journée. »

 

Tournez sept fois la langue. Avant de tenir un propos acerbe, essayons de nous demander : « Comment apprécierais-je que ceci soit dit à propos de moi ou des miens ? » De même, faites une fois par jour l’effort, « si vous vous apercevez que vous cédez à un accès de colère ou de jalousie, d’essayer de canaliser ce réflexe instinctif dans une direction plus constructive », propose Karen Armstrong. A chaque fois que vous y parvenez, mettez un euro dans votre tirelire ! A la fin du mois, tâchez d’avoir de quoi vous offrir un gueuleton à la santé de vos bonnes résolutions.

 

Vivez le moment. Nous ne cessons decourir : après un poste, des choses, des gens, en imaginant que notre bonheur en dépend – pour nous apercevoir ensuite que ce que nous désirions si fort n’est finalement pas si merveilleux. « A l’instant où nous obtenons quelque chose, nous commençons à avoir peur de le perdre », remarque Karen Armstrong. La solution : consacrer quelques minutes quotidiennes à contempler ce que l’on a. Un boulot, la santé, une famille, des amis, un peu d’argent de côté... Jusqu’à s’apercevoir qu’une fois assurée une certaine sécurité affective et financière, la plus grande richesse c’est d’être soi-même, bienveillant et ouvert à tout le reste.

 

Choyez votre entourage. Tous les matins, visualisez vos proches. Voyez ce qu’ils vous apportent, comment ils vous relient au monde. Sondez leurs souffrances, souhaitez-leur joie et sérénité, décidez de faire votre possible pour les aider. Puis incluez dans votre méditation quelqu’un que vous n’appréciez pas. Remarquez comment votre esprit se crispe ! Pourtant, d'autres gens aiment cette personne. Menace-t-elle vos intérêts, vous gêne-t-elle, vous donne-t-elle un sentiment d’infériorité ? Comme nous tous, elle a de bons et de mauvais côtés, et aspire au bonheur ; pourquoi lui refuser une bienveillance ? Faites taire votre juge intérieur. Engagez-vous à avoir à son encontre un mot ou un geste aimable.

 

Ecoutez. Vraiment. La communication est partout ; si on visait plutôt la communion ? Ne plus se contenter de rebondir sur les propos d’autrui pour agiter ses propres histoires ou arguments, mais être dans une attitude attentive, généreuse, prêt à entrer en résonance et à « faire de la place ».

 

Elargissez vos perspectives. Avez-vous déjà pris conscience de tous les gens qu’il a fallu pour que vous ayez, par exemple, un petit déjeuner ? Planter et exporter le café, concevoir et commercialiser la cafetière, fabriquer le pain, faire pousser le blé, produire la farine… Un exercice tout bête qui montre combien nous sommes interconnectés, d’un bout du monde à l’autre. De même, face à une situation perturbante, essayons de comprendre les différents points de vue, le contexte qui les engendre et qui les nourrit. « Imaginez-vous au sommet d’une montagne, en train de regarder votre quotidien », recommande aussi Karen Armstrong. Notre entourage, notre pays, son économie, sa politique, son système éducatif… Qu’est-ce qui, avec un peu de hauteur, n’est pas satisfaisant ? Voyons, mais ne fulminons pas. « Nous devons regarder notre communauté avec compassion, et évaluer son potentiel de changement. »

 

Soyez curieux. Souvenez-vous d’une rencontre ou d’un événement qui a bouleversé ce que vous pensiez savoir – d’une personne, d’un pays, d’un phénomène. Beaucoup d’idées préconçues méritent de se frotter à l’altérité. « Commencez par une culture qui vous attire », conseille Karen Armstrong. Livres, films, musiques, voyages… Explorez, questionnez, échangez, jusqu’à «prendre progressivement conscience que tout est plus complexe que les clichés simplistes que nous avons dans la tête. » Autre exercice : « Choisissez l'une des opinions auxquelles vous adhérez le plus – qu’il s’agisse de politique, de religion ou de football. Faites une liste de tout ce qui l’étaye. Listez ensuite les arguments opposés. Cherchez à apprendre des choses, jusqu’à sentir que vous commencez à changer d’avis. » Il ne s’agit pas d’adopter les idées inverses de celles que nous avions auparavant, ni de fermer les yeux devant l’intolérable, mais de développer une méfiance à l’égard des ouï-dire, ainsi qu’une capacité à embrasser le monde dans sa diversité et sa complexité.

 

Devenez acteurs. Socialement, la compassion s’incarne dans la justice, l’égalité, le respect des individus et de l’environnement. Chaque fois que nous achetons ou que nous consommons, nous adoubons un type de monde ; lequel voulons-nous ? Devant un étal, demandons-nous systématiquement d’où viennent les produits, comment ils ont été fabriqués, dans quelles conditions, à qui vont aller les bénéfices. « Si vous ne pouvez aider, au moins ne nuisez pas ! »plaide le Dalai Lama. Idem dans notre vie personnelle : « Comment gérez-vous les discussions et les désaccords ? Passez-vous assez de temps avec vos aînés ? Quelle place dans votre foyer pour l’écoute, l’équité, le partage, la solidarité ? » interroge Karen Armstrong.Au boulot aussi, nous avons une marge de manœuvre. Déjà, si notre boss nous fatigue, n’en faisons pas une affaire personnelle – ses réactions sont aussi le fruit de ses propres difficultés. Puis imaginons un moyen (même tout simple) d’améliorer le cadre de travail, d’humaniser les relations, de promouvoir la coopération. Puis « listez quels seraient les impacts sociaux de votre profession si elle faisait preuve de davantage de compassion. »

 

Fixez-vous un geste par jour. Juste un, pour commencer. Pas besoin qu’il soit spectaculaire : un sourire, une pièce donnée, une place laissée, deux mots échangés, un coup de main à un ami, un coup de fil à un parent, un peu de temps pour un collègue déprimé… Tout ce qui vous ferait du bien, à vous, dans la même situation. Notez-les sur un carnet. Faites le point chaque soir. Vous avez oublié ? Vous ferez mieux demain ! Tenez trois semaines – d’après les neurosciences, c’est le temps nécessaire pour transformer une activité en habitude.

 

Suivez votre cœur. Votre élan vous pousse vers un type d’action solidaire ? Ecoutez-le. « L’empathie n’est pas fondée sur la logique, mais sur la sensibilité, rappelle Karen Armstrong. L’important, c’est de reconnaître la connexion quand elle s’impose à vous. » Lorsque quelque chose vous touche, « amenez son image dans votre esprit à divers moments de la journée ». Puis lancez-vous, car c’est le seul moyen de se transcender. A vos marques, prêts…